
Il y a des endroits particuliers que les marins aiment ou haïssent, aiment et haïssent. La péninsule de Gibraltar est un de ces endroits. La porte de sortie et d’entrée sur la Méditerranée est bien un détroit avec tous les problèmes de navigation qu’un détroit peut engendrer : des courants et contre-courants variables et difficilement prévisibles dans la mer d’Alborán nous ont retardés d’une demi-journée; un thon, dont j’estime le poids à au moins 100kg (et je suis lorrain, pas marseillais) a détruit notre meilleure ligne de pêche et notre Rapala préféré. Il faut dire que les détroits et caps sont souvent des lieux extraordinaires pour la pêche, la chaude Méditerranée s’évapore beaucoup plus vite que l’Atlantique, est donc plus salée et provoque non seulement un flux permanent d’ouest en est mais aussi des courants ascendants et descendants, le tout animé par les marées. Le plancton y est riche et varié, ce qui attire de nombreux prédateurs. Les bancs de sardines se font manger par les thons, les banc de harengs se font manger par les barracudas, les requins rodent, les baleines migrent et en profitent aussi. Des dizaines de dauphins sautent de joie dans ce festins et organisent leur chasse en équipe, les cormorans noirs n’ont pas à plonger très longtemps pour trouver leur repas, toute la famille des mouettes, albatros et autres palmés est au-dessus du champ de bataille pour profiter des restes du festin de chacun, bref, une belle leçon de biologie sur la chaine alimentaire qui plait à Maya et Emilie, et nous oublions pour un moment que tout cet ecosysteme en fin de compte se fait manger par l’homme dans des proportions qui conduisent irrémédiablement cette vie marine a sa perte. La surpéche et la pollution entrainent chaque année l’extinction totale de plusieures espéces de poissons et mammiféres marins (requins, raies, thons, baleines, tortues…) Mais le trafic intense de tankers, porte-containers, cargos de toutes sortes,les chaluts, les autorités espagnoles et britanniques, gardes-côtes, douanes, police de l’immigration, qui sillonnent le détroit dans tous les sens à la recherche d’éventuels réfugiés en provenance d’Afrique et de petits bateaux de contrebande – et enfin les vagues inconstantes de parfois plus de trois metres (a notre sortie de Gibraltar) ne me permettent pas trop de regarder les dauphins qui sautent ou chercher les baleines qui soufflent. Nous sommes donc arrivés a Gibraltar avec la nuit qui tombe, accompagnés des vent catabatiques qui dévalent la falaise
impressionnante
de la face est de la péninsule, et de cet énorme nuage noir (qui restera constant au-dessus de nous pendant nos 3 jours là-bas) avec ses airs menaçants. Le marin de service qui nous a accueillis à la marina de Queensway Quay a un accent so british, que tout de suite nous avons été dépaysés.
Queensway quay marina et au fond dans la brume, Algesiras.
Gibraltar n’est pas une île, géographiquement certes, mais a tout d’une île britannique. Nous avons fait nos courses chez Morrison et avons mangé un fish’n chips en plaisantant sur ses anglais roses venus dans le sud de l’Europe pour le climat. Il est tout aussi difficile de bronzer à Londres qu’à Gibraltar. De l’autre côté, à 8 milles (nautiques, pas anglais !), les montagnes du Riff essaient de sortir de la mer dans cet air brumeux et humide. Le sud nous appelle et nous n’envions pas un hiver en Europe. Au revoir la Méditerranée, nous emportons nos souvenirs avec nous, mais aussi quelques équipets bien remplis de raisins de Corinthe, d’huile d’olive sicilienne, de fêta grecque, de vins, fromages et charcuterie corses, d’origan cueilli en Turquie, de café napolitain, … de quoi subvenir en cas de nostalgie durant les longues journées qui nous attendent dans l’Atlantique.
regarder la mer ,ne pas avoir d’autre envie que regarder la mer …….. Laurent Voulzy